Les héritiers d’un marchand d’art juif allemand, spolié sous le régime nazi, ont obtenu mardi d’un musée en Allemagne la restitution d’un de ses tableaux, une première pour eux.
Ce tableau d’un maître de la première Renaissance nordique a été remis par la Staatsgalerie de Stuttgart à l’université Concordia de Montréal, exécuteur testamentaire du marchand d’art germano-canadien Max Stern (1904-1987).
Le directeur du projet de restitution des oeuvres de Max Stern, créé en 2003 à l’université Concordia, Clarence Epstein, devait recevoir le tableau lors d’une cérémonie à l’ambassade du Canada à Berlin en présence du ministre canadien de l’Immigration, Jason Kenney.
Non signé, le tableau « la Vierge à l’Enfant » a été attribué au « Maître de Flémalle », identifié par la plupart des historiens de l’art comme le peintre flamand Robert Campin (1375-1444), né à Valenciennes, dans le nord de la France.
Il s’était retrouvé au musée de Stuttgart à la suite d’un don après la Seconde Guerre mondiale.
« C’est une oeuvre importante parce que c’est un tableau de la première Renaissance. Ces tableaux sont rares sur le marché. Ils sont très appréciés et très recherchés », a dit M. Epstein à l’AFP. « Et Campin était un des plus importants peintres de son époque en Europe ».
L’université Concordia tente de récupérer plus de 400 oeuvres ayant appartenu à Max Stern. Ce dernier avait fermé sa galerie d’art de Düsseldorf en décembre 1937 pour fuir vers l’Angleterre et le Canada, après avoir été contraint par les nazis de céder ses tableaux, écoulés à bas prix.
Une fois en Angleterre, les nazis l’avaient forcé à liquider plusieurs autres toiles, dont « la Vierge à l’Enfant », contre un permis de sortie d’Allemagne pour sa mère.
En Angleterre comme au Canada, Stern a été emprisonné pendant près de deux ans à cause de sa nationalité, au début de la guerre. Il s’établira ensuite à Montréal et deviendra un des plus importants marchands et collectionneurs d’oeuvres d’art du pays.
Peu avant sa mort d’un infarctus lors d’un voyage à Paris, Stern a légué l’essentiel de ses biens aux universités Concordia et McGill de Montréal ainsi qu’à l’université hébraïque de Jérusalem.
C’est le dixième tableau récupéré par ses héritiers et le fruit d’un travail de détective, amorcé il y a trois ans par les chercheurs de la Staatsgalerie de Stuttgart et de l’équipe spécialisée du Bureau des demandes d’indemnisations liées à la Shoah (HCPO) de l’Etat de New York.
« Nous avons découvert des documents d’archives qui ont convaincu le gouvernement du Land du Bade-Wurtemberg que cette demande de restitution était très solide », explique M. Epstein.
Une part du crédit revient « sans aucun doute » au gouvernement fédéral allemand qui a accordé ces dernières années aux musées d’Etat des budgets pour enquêter sur la provenance de leurs oeuvres d’art, ajoute-t-il.
Ces budgets sont toutefois insuffisants, juge-t-il, compte tenu du fait qu’il y a « de fortes chances de retrouver des oeuvres d’art spoliées dans pratiquement tous les musées en Allemagne, notamment dans les musées privés ».
« Nous avons environ 40 toiles sur notre radar », estime-t-il, optimiste.
Le président de l’université Concordia, Alan Shepard, affirme que le « défi le plus pressant consiste à encourager les musées qui possèdent des tableaux de la collection Max Stern à suivre l’exemple de la Staatsgalerie ».